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Arbitrage - Fin de la "loi Dupont", protection des joueurs : décryptage des nouvelles règles de rugby pour 2024

  • Benoit Rousselet était l'arbitre de la rencontre qui opposait le Stade français et Lyon lors de la 19e journée de Top 14.
    Benoit Rousselet était l'arbitre de la rencontre qui opposait le Stade français et Lyon lors de la 19e journée de Top 14. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À la suite d’une Coupe du monde marquée par de nombreuses polémiques liées à l’arbitrage, World Rugby n’avait d’autre choix que de réagir. C’est ainsi qu’après le forum mondial qui s’est tenu au mois de mars, l’instance mondiale a publié divers ajustements qui s’effectueront à plus ou moins court terme, visant à rendre le jeu plus simple, plus fluide et plus sûr. Décryptage.

C’est peu dire que la Coupe du monde 2023 et le dernier Tournoi des 6 Nations auront donné beaucoup de grain à moudre à World Rugby, et de nombreuses raisons d’exaucer le souhait d’un jeu "plus simple à arbitrer" formulé par Joël Jutge dans ces mêmes colonnes, au début de l’année. À ce titre, le patron mondial des arbitres attendait énormément du forum "Shape of the Game" qui se tenait au début du mois, espérant que toutes les nations du monde s’avéreraient parties prenantes du processus de réflexion pour améliorer la qualité du jeu en le rendant plus simple, plus fluide et plus sûr. Une triple volonté qui a conduit des échanges d’un très bon niveau, et permis à World rugby d’annoncer un plan en cinq temps, avec des modifications effectives dès le 19 mars, d’autres qui le seront cet été après validation du Conseil le 9 mai, tandis que certaines seront soumises à des tests locaux et d’autres (pour l’instant) cantonnées à des groupes de travail, voire seulement sujettes à des analyses au travers divers "laboratoires de jeu".

De quoi satisfaire le président Bill Beaumont, pour qui toutes ces évolutions étaient nécessaires. "Le rugby a toujours été synonyme de changement. Depuis 200 ans, notre sport est né d’un désir d’évolution, et c’est avec cet esprit que nous cherchons à inspirer la prochaine génération de supporters et de joueurs. Cela implique d’être audacieux, d’embrasser le changement en améliorant l’aspect divertissant, en rendant nos joueurs plus accessibles, en le simplifiant pour l’expliquer à ceux qui ne sont pas encore séduits par ce sport. Nous avons réagi rapidement, nécessitant une unité et un engagement remarquables de la part de tous les acteurs pour présenter un ensemble de propositions d’amélioration au Conseil en mai. J’attends désormais avec enthousiasme les discussions à venir." Tout au plus regrettera-t-on, à titre purement personnel, que des mesures révolutionnaires et nous semble-t-il inéluctables comme l’abaissement de la hauteur de plaquage, la simplification des zones de ruck ou la diminution du nombre de remplacements ne sont, pour l’heure, qu’aux mains de groupe de travail. Ce qui prendra un certain temps, mais ne saurait malgré tout durer éternellement…

  • Ce qui a changé au 19 mars : accélération des "petits trains" sur commande de l'arbitre

C’est immédiatement à la suite du forum "Shape of the Game" et surtout du dernier Tournoi des 6 nations que World Rugby a imposé trois modifications de règles. Des changements qui n’en sont pas vraiment, d’ailleurs, puisqu’ils impliquent simplement d’appliquer avec plus de sévérité les règles déjà existantes… Ainsi :

- Lorsque le ballon sera clairement gagné dans un ruck, les arbitres auront pour consigne d’annoncer "use it" ("jouez-le", dans la langue de Molière) le plus rapidement possible en vertu de la règle 15.17, obligeant le relayeur à extraire le ballon dans les 5 secondes. L’objectif: mettre fin aux interminables "petits trains" sur les séquences de sorties de camp.

Les "petits trains" derrière les rucks, souvent utilisés par les demis de mêlée, devront être plus rapides.
Les "petits trains" derrière les rucks, souvent utilisés par les demis de mêlée, devront être plus rapides. Icon Sport - Hugo Pfeiffer

- Sur mêlée, l’ajustement de la règle 19.10 sera maintenu, qui obligera les talonneurs à maintenir un pied-frein complet pour aider à la stabilité et la sécurité de la mêlée pendant la séquence d’engagement. Le but étant évidemment d’éviter autant que possible les écroulements à l’impact.

- Concernant l’entrée des porteurs d’eau, renforcement strict de la règle 6.29 expérimentée depuis 2022 à la suite des agissements de Rassie Erasmus, qui codifie clairement les moments où ces derniers peuvent entrer en jeu (uniquement pendant un arrêt de jeu signalé par l’arbitre, avec obligation de quitter le terrain lorsque le médecin en sort aussi ou après un essai marqué), mais également les interactions de ces derniers avec les joueurs et l’arbitre, qui doivent être réduites à néant. L’échange entre Neil Jenkins et Mathieu Raynal lors du dernier pas de Galles-Italie ayant fait suffisamment parler, voilà deux semaines…

  • Ce qui va changer cet été : fin de la "loi Dupont"
    et interdiction du "crocodile"

C’est le 9 mai prochain que le Conseil de World Rugby examinera un ensemble de modifications de règles dans une réunion qui s’annonce décisive, toujours dans le souci d’améliorer la sécurité des joueurs et la fluidité du jeu. Le suspense demeure tout relatif puisque World Rugby semble avoir pour objectif de mettre ces règles en application dès cet été. Autrement dit, en ce qui concerne les joueurs tricolores, à partir de la prochaine tournée du XV de France en Argentine.

- La première modification ? Elle consistera, pour réduire les épisodes de ping-pong rugby, à sonner la fin de la "loi Dupont" par un ajustement de la règle 10, en fonction de l’expérimentation en cours dans le Super Rugby Pacific où l’article 10.7 (qui permettait aux partenaires d’un botteur placés devant lui d’être remis en jeu par l’action d’un adversaire, lorsque le réceptionneur passait son ballon ou parcourait cinq mètres ballon en main) a été supprimé. À partir de cet été, seul l’article 10.4 sera appliqué, qui veut que "les défenseurs resteront hors-jeu jusqu’à ce qu’ils soient remis en jeu par un coéquipier parti derrière le botteur, ou par le botteur lui-même".

- Suppression de l’option mêlée sur coup franc, afin de réduire au maximum les temps morts inhérents à la mise en place d’une mêlée fermée et à accélérer le jeu. Également d’éviter, comme lors du quart de finale livré par l’Afrique du Sud contre la France, de perdre du temps à organiser une mêlée après un arrêt de volée, même si certains déploreront la perte de cette possibilité stratégique.

- Interdiction du déblayage "crocodile"(ou "croc roll" en version originale) afin de renforcer l’accent mis sur la santé des joueurs. Jusqu’alors, ce geste n’était sanctionné que si le déblayeur retombait sur la jambe du défenseur, où impactait avec violence au niveau d’une articulation. Sauf que, malgré tout, ce type de déblayage a généré de nombreuses blessures, notamment musculaires, qui allaient régulièrement jusqu’à la désinsertion des ischio-jambiers. Pour rappel, le talonneur du XV de France Julien Marchand s’était gravement blessé sur un tel déblayage lors du match d’ouverture de la dernière Coupe du monde

Julien Marchand contraint de quitter ses coéquipiers lors du match d'ouverture de la Coupe du monde 2023 face aux All Blacks.
Julien Marchand contraint de quitter ses coéquipiers lors du match d'ouverture de la Coupe du monde 2023 face aux All Blacks. Icon Sport - Sandra Ruhaut

Rucks et plaquages encore à l’étude

En marge des changements de règles, plusieurs sujets sont actuellement entre les mains de groupes de travail spécialisés, dont deux très sensibles…

- Au sujet du ruck: si tous les acteurs du jeu sont d’accord sur le principe que la possibilité de contest au sol est indissociable du rugby à XV, la difficulté pour l’arbitrer est réelle. C’est ainsi que les groupes de travail planchent sur une simplification des règles. Vaste chantier…

- Au sujet du plaquage, même topo: si l’abaissement de la hauteur du plaquage à la taille est un succès dans les compétitions inférieures en France et en Angleterre (entre onze fédérations qui l’ont testé), l’émotion suscitée par ce sujet est encore grande et retarde d’autant sa mise en place.

- Enfin, d’autres groupes de travail planchent actuellement sur les protocoles d’arbitrage vidéo (afin de déterminer de manière optimale ses attributions sans préempter sur l’arbitre central), tout en fixant de nouvelles normes minimales pour les fournisseurs de technologie. Enfin, le sujet d’une réduction du nombre de remplacements à haut niveau est également mis sur la table, afin d’explorer des solutions potentielles pour favoriser la création d’espaces sur le terrain sans augmenter les risques de blessures.

  • Ce qui va être testé à l'étranger : un seul arrêt au maul, protection des 9...

Parallèlement aux changements évoqués ci-dessus, les Fédérations sont encouragées à mettre en œuvre un ensemble de règles expérimentales, avant d’éventuellement les adopter à l’échelle mondiale. Parmi lesquelles:

- L’extension du "shot clock" aux mêlées et aux touches tout en diminuant le temps alloué à la tentative de coups de pied, qui intéresse fortement le Super Rugby mais doit encore être étudié, notamment au sujet de la sécurité des joueurs qui pourraient être amenés à évoluer en surfatigue. Pour rappel, les buteurs ont aujourd’hui une minute pour tenter une pénalité après désignation des poteaux par l’arbitre, et 1’30’’ pour transformer un essai après que celui-ci a été signalé.

- La possibilité d’effectuer un arrêt de volée à la réception d’un renvoi, afin de privilégier les renvois courts et surtout d’éviter les séquences si stratégiques de "sorties de camp", que l’URC se verrait bien tester dans son championnat.

- L’obligation de jouer le ballon après un premier arrêt du maul, au lieu de deux actuellement. L’idée étant en premier lieu de simplifier l‘arbitrage autour de cette phase de jeu, devenue illisible pour le grand public.

- La protection totale du relayeur derrière les mêlées, ruck et maul, à la suite de premiers essais plutôt convaincants aux États-Unis et dans des compétitions néo-zélandaises.

- Laisser le jeu se dérouler après un lancer pas droit au cas où celui-ci ne serait pas contesté.Ce qui peut paraître de prime abord stupide, mais ne ferait finalement qu’emprunter le chemin de l’introduction en mêlée…

Test mondial pour le carton rouge de 20 minutes

Sujet sensible, le "nouveau" carton rouge devrait bien être lancé dès cet été sous l’influence des nations du Sud, mais seulement sous une phase de test à l’échelle mondiale. Son principe? Exclure définitivement du terrain le joueur sanctionné d’un carton rouge, tout en permettant à son équipe de le remplacer au bout de 20 minutes, afin de ne pas se retrouver avec des matchs "détruits" (pour reprendre le mot des législateurs) comme la finale de la Coupe du monde 2023, où les France-Irlande et France-Italie du dernier Tournoi des 6 nations. Une révolution qui sera étroitement liée à celle des mesures disciplinaires et des sanctions hors terrain, qui devront être rationalisées et simplifiées de manière à être rendues plus cohérentes et plus compréhensibles.

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Les commentaires (2)
fojema48 Il y a 1 mois Le 24/03/2024 à 14:22

Ne pas réduire les mélées mais décompter le temps écoulé à partir de l'introduction du ballon.

GroLourd Il y a 1 mois Le 24/03/2024 à 12:58

Pour la plupart des propositions, pourquoi pas ? Il faut voir à l'usage.
En revanche, il est nécessaire que pour les gestes dangereux, une expulsion définitive sans remplacement reste prévue.
Ce n'est que mon avis, que je partage avec moi-même.